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L'exode rural dans l'Aveyron

 

Pas moins de 7 pages ont été retranscrites par Raymond Rouquette pour nous présenter cette enquête monographique sur la désertion des campagnes -datée de 1909- réalisée par Enée Bouloc.

Ce texte a été communiqué au "Congrès de la Société d'Economie Sociale"[1] de la séance du 9 juin 1909, et publié dans "la Réforme Sociale" du 1.11.1909.

10 chapitres ont été abordés. Chacun ayant fait l'objet d'un long développement structuré.

En voici un court aperçu regroupé en 7 points ;

  

1.Physionomie du département / conditions des habitants

 

Elevage / gras pâturages avec transhumance des troupeaux du 24 mai au 13 octobre. Des bêtes demi sauvages ont donné naissance a une jolie et robuste race dite "race d'Aubrac". C'est avec leur lait que se fait une bonne variété de fromage "le Laguiole". Du côté du sud, on y élève la brebis du Larzac où l'on fabrique le roi des fromages : "le Roquefort". Un peu partout ailleurs on y trouve aussi du porc, et quelques vignobles. L'Aveyron connaît les 3 modes de propriété, mais c'est la moyenne propriété qui se développe le plus. La condition des habitants s'y est beaucoup améliorée ces derniers temps.

 

 

2.Mouvements de population

 

 

En 20 ans de 1890 à 1910 environ, le département enregistre une diminution de population de presque 39000 habitants.

Sur l'arrondissement d'Espalion, on constate ce mouvement sur Paris depuis environ 50 ans. Quoi de plus naturel face à ces régions où il neige au moins  6 mois par an, et où malgré tout, il faut nourrir toutes ces bouches ?[2]

Paris agit comme un grand aimant,  un gouffre aussi.

Le service militaire aussi absorbe la population. Ainsi restent au pays les impotents, les ajournée, les dispensés.

Même Rodez et Millau perdent leur population. Il y aurait à Paris 1/4 de la population du département (soient environ 92000 aveyronnais).

Il faut également noter un autre courant d'émigration très sérieux, vers les départements plus proches que sont le Tarn et Garonne, le Lot et la Garonne. Nos petits paysans ont vendu leur terre, pour aller en acheter ailleurs, de plus fertiles. L'Aveyron est menacé de la ruine.

Les Aveyronnais de Paris reviennent alors au pays, quand ils ont fait fortune, et que donc ils ont beaucoup travaillé. Mais dans quel état…physique et moral…pour certains. Un point noir de l'émigration pas toujours présent à l'esprit est l'émigration des jeunes filles pauvres, qui partent pour devenir servantes de maison. L'année dernière, on a recensé 15 parties dans le même train de Rodez.

 

 

3.la main d'œuvre

 

En Aveyron, la main d'œuvre se raréfie. Sans le secours de l'outillage mécanique le travail agricole ne serait plus possible dans nos fermes. D'ailleurs, la plupart d'entre elles ne sont au complet. Il y a presque même impossibilité d'avoir des filles de ferme.[3]

Le salaire se paye en argent.  On s'engage pour une année. Par exemple, un laboureur âgé de 18 ans, gagne environ 400 francs par an. Un laboureur de 30 ans : 500 francs. Nourriture incluse bien entendu[4]. Ceux qui ne se louent que pour une période (l'été) gagnent mieux : 90 francs par mois.

Après les récoltes, bon nombre partent faire les vendanges dans le midi où des trains spéciaux les emmènent.

 

4.Industrie et commerce et travail

 

Il y a 2 régions industrielles dans le département : le bassin houiller de Decazeville, (forges / verrerie et zinguerie) , les peausseries de Millau (tanneries, ganteries) ainsi que quelques fabriques de draps à St Geniez.

Du côté des commerces, on peut constater un accroissement redoutable des débitants de boisson, avec un alcoolisme bénin associé.

Il n'y a pas d'autres industries rurales que les petits métiers de l'habillement : cordonniers, couturières, tailleurs. Pour le reste (sabotiers et tisserands, on peut noter qu'ils disparaissent peu à peu). Les causes de la décadence étant l'empire de la mode citadine.

On note la volonté de Mme la comtesse de La Cases, une aveyronnaise qui a créé dans la Lozère l'industrie des dentellières. Elle obtint un succès tel, qu'il est permis de l'encourager à poursuivre.

De toutes les causes qui provoquent la désertion des campagnes est le fonctionnarisme. L'augmentation croissante des traitements, les 5 ou 6  heures de travail exigées dans les bureaux, la sécurité de la vie dans les administrations, les facilités d'éducation des enfants de fonctionnaires dans les grands centres…l'assurance d'une bonne retraite sont autant d'encouragement à la désertion du travail à la campagne. A 25 ans, un facteur gagnerait plus de 600 francs par mois.

 

5.Enseignement ménager

 

Melle Baduel vient de jeter les bases de cet enseignement. Cet enseignement doit apprendre à la jeune fille des champs -comme à celle de la ville- la cuisine, les travaux d'aiguille, le tricot. Il s'agit de former la maîtresse de "maison fermière". Il y de plus des leçons de propreté et d'hygiène, l'apprentissage de notions élémentaires de médecine. Sans oublier l'art vétérinaire et la comptabilité (pour l'aide du mari), ainsi que les techniques d'embellissement du jardin et de tout le corps de la ferme.

Il faut rendre aux femmes la vie rurale plus intéressante.

Il faudrait que l'enseignement ménager devienne la base de l'enseignement de la jeune fille.

  

6.Associations de diverses natures

 

il y a en Aveyron une "Caisse centrale d'agriculture", presque centenaire, ayant de nombreuses succursales.  Cette société a mis en place un "Syndicat agricole" très puissant, ainsi qu'une "Caisse de crédit". Le problème est que cette société ne faisait pas de politique… Les politiciens du pays se sont donc groupés pour créer leur société agricole, celle-ci subventionnée par l'état.

la société Saint Vincent de Paul : œuvre privée qui tente de lutter notamment contre la tuberculose, la mortalité infantile, l'alcoolisme, les logements insalubres…mais en vain. Le pays est trop divisé par la politique pour que de telles institutions réussissent à fonctionner avec un caractère de neutralité. Les bases d'une section d'alliance pour une "hygiène sociale" ont échoué.

.. la loi d'assistance aux vieillards n'a guère produit que 100 sous ou 10 francs pour ne conquérir qu'un électeur récalcitrant…

  

7.les remèdes à l'exode

 

Une des causes de l'émigration des jeunes gens et des jeunes filles est la recherche des " fonctions Publiques".

Les fonctions publiques sont condamnées. Elles attirent trop de jeunes et fascinent même les parents qui souhaitent que leurs progénitures soient fonctionnaires. Les enfants de facteurs deviennent employés des postes, les enfants d'instituteurs deviennent professeurs… Si ainsi tous les enfants des familles nombreuses font ce calcul, il n'y aura plus assez de place pour tout le monde ; Trop de fonctionnaires et pas assez d'enfants qui restent à la ferme pour assurer la relève. Le pauvre croit ainsi s'élever, en fait il se condamne. Il faudrait limiter les bourses d'enseignement, les places disponibles au concours, et le nombre de postulants fonctionnaires par famille…

 

Mais surtout, pour combattre l'abandon de la terre, il est proposé de faire un grand effort d'éducation par l'école et par le livre. Il faut apprendre au petit paysan l'amour de la terre pour sa propre beauté, mais aussi les dangers de la vie en ville.

Si devenu grand, ce petit paysan  déserte tout de même sa terre, c'est qu'il n'a été invité à pénétrer la poésie qui y règne.

Tout comme il y a une éducation à l'œil du peintre, à l'oreille du musicien… il y a éducation à faire de tous les sens du petit paysan pour lui faire percevoir le charme incomparable des champs, qu'il en juge ainsi la sécurité, la quiétude, qu'il s'attache d'un amour inaltérable pour la terre qu'ont fécondé ses aïeux de leurs sueurs, et auprès desquels il voudra s'endormir.

 Je laisse à la méditation, les derniers propos …

 

R. Rouquette FA -45 / 46-

L. Charreyre VI.8


 

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[1] "La Société d'Economie Sociale" et "les Unions de la paix sociale" ont été fondées par P.F. Le Play. Les idées sociales de Le Play ont pour fondement la famille.

[2] Il y a 40 ans, il y avait une moyenne de 4 à 5 enfants par famille. Dans notre région, cela pouvait aller jusqu'à 12.

[3] Lesquelles restent malgré tout payé 150 francs de moins que les hommes.

[4] Evaluée à 1,50 franc par jour. Ce qui fait qu'un salaire annuel de 1000 francs est donc payé réellement 450 francs.

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Dernières modifications : 08/02/2007

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Laurence Charreyre